vendredi 5 février 2016

GPA: LA MATERNITE FAIT PARTIE DE L'IDENTITE DE LA FEMME

Par Edouard in Le Figaro.fr

«La GPA, c'est la fin de la mère»

INTERVIEW- Mardi se tenaient les Assises pour l'abolition universelle de la maternité de substitution, organisées par des associations et militants de gauche. Marie-Jo Bonnet, féministe historique, y était. Elle nous explique les raisons de son combat.

Marie-Jo Bonnet est une féministe historique, ancienne membre du Mouvement de Libération des femmes (MLF) et fondatrice des «Gouines rouges». Elle milite aujourd'hui activement contre la maternité de substitution. Dernier ouvrage paru: Simone de Beauvoir et les femmes (Albin Michel, 2015).

LE FIGARO- Pourquoi est-ce important que la gauche se mobilise contre la «maternité de substitution» ou GPA?

Marie-Jo BONNET.- Ce n'est pas un combat de gauche, c'est un combat universel, dans lequel la gauche à longtemps été silencieuse, à cause du lobbying progressiste des agences de fertilité pro-GPA. Il était indispensable de faire apparaitre ce courant au sein de la gauche. Il y a eu une intimidation suite à la Manif pour Tous: la gauche n'a pas osé se saisir du sujet de crainte de tomber dans l'amalgame avec la droite.

Une partie de la gauche continue à voir la GPA comme un progrès, parlant de «GPA éthique».

Il n'y a pas de GPA éthique. Les enfants ne peuvent être un produit d'échange, ce sont des êtres humains. On ne peut pas donner son enfant. Ce n'est pas un progrès, c'est une régression. Tuer la mère, c'est même LA régression. C'est pire que la société grecque où les hommes dirigeaient la cité pendant qu'on mettait les femmes dans le Gynécée, où au moins elles pouvaient rester mère. La gestation pour autrui, c'est avant tout la destruction de la mère. D'ailleurs on ne parle même plus de maternité mais de «gestation».

Beaucoup de femmes sont mobilisées contre la maternité de substitution…

C'est quelque chose qui nous touche en profondeur. Même moi qui n'ai pas d'enfants, je suis touchée dans mes tripes, dans mon identité de femme. Beaucoup de lesbiennes d'ailleurs sont mobilisées.

«La maternité fait partie de la l'identité de la femme, comme une potentialité, une capacité à donner la vie. Ce n'est pas parce qu'on a choisi de ne pas la donner que ça ne fait pas partie de nous»
    Marie-Jo Bonnet 


Oui, mais une partie du féminisme ne s'est-il pas érigé contre la maternité?

La maternité fait partie de la l'identité de la femme, comme une potentialité, une capacité à donner la vie. Ce n'est pas parce qu'on a choisi de ne pas la donner que ça ne fait pas partie de nous. C'est un langage universel et symbolique. Le féminisme nous a permis de nous libérer de la maternité obligatoire, en dissociant la féminité de la maternité, qui reste tout de même une potentialité. Mais la fécondité féminine peut être aussi culturelle, spirituelle. Il est vrai que chez certaines féministes, la maternité a été considérée uniquement comme quelque chose de dévalorisant pour la femme. Il n'y a qu'à lire Simone de Beauvoir qui parle en terme très négatifs de la maternité qu'elle considère comme quelque chose de passif, biologique.

Dans les années 70, la technique nous a permis de maitriser la fécondité, grâce à la pilule et à l'avortement. Mais à la même époque naissait le premier bébé éprouvette. Très vite le médecin a pris le pouvoir sur le corps de la femme. La technicisation de la sexualité ne repose que sur les femmes. Les enfants naissent dans les laboratoires. Les médecins ont pris la maitrise de la procréation. Nous sommes passé d'un patriarcat familial à un patriarcat technicien. L'impuissance spirituelle de nos sociétés occidentales, qui ne croient plus en rien, nous pousse à une fuite en avant dans la technique, présentée comme le seul refuge de la puissance. Nous sommes dans un monde qui ne croie plus qu'en la technique et en l'argent.

Qu'attendez-vous des politiques?

Nous souhaitons aujourd'hui faire naitre un mouvement dans toute l'Europe, qui porte cette demande d'abolition clairement formulée qui puisse contrer ce qu'on nous présente comme inexorable. Nous voulons que le gouvernement, censé être de gauche, soit plus offensif, qu'il prenne des décision urgentes en faveur de l'abolition universelle, et qu'il soit capable de s'opposer aux décisions injustes. Mais j'attends aussi une prise de conscience citoyenne. Le débat ne se résume pas uniquement à la gestation pour autrui, mais à la fabrication de l'humain. Il revient à cette question: quelle société pour demain? Quelque chose s'est mis en marche que nous ne contrôlons pas. Il ne faut baisser les bras, être des éveilleurs de conscience! Rien n'est inexorable!

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire