mardi 3 novembre 2015

PMA: LETTRE DE PADREBLOG AU MINISTRE DE LA JUSTICE

Par Edouard in Padre Blog.fr


Les vraies batailles – Lettre à Christiane Taubira

Madame,

Il y a quelques jours, interrogée par Guillaume Daret sur le plateau de France 2, vous avez affirmé vouloir ré-ouvrir le débat sur l’accès pour les couples de femmes à la Procréation médicalement assistée (PMA) – vous avez même parlé dans un reportage pour Canal + d’une « bataille à mener » – considérant cette revendication comme « légitime ». Puis, sans même que le journaliste ne vous pose la question, vous avez enchaîné sur l’usage des stupéfiants, réclamant qu’on puisse « en débattre », c’est-à-dire ouvrir le débat de leur dépénalisation. Vous venez de confirmer votre intention ce dimanche soir sur BFMTV.

Les politologues évoqueront peut-être une habile stratégie de diversion, pour faire oublier les chiffres du chômage ou l’insécurité. D’autres y verront une volonté de ressouder la gauche autour de thèmes sociétaux censés « être de gauche ». Pour notre part, nous ne connaissons pas vos intentions profondes et n’imaginons pas que vous soyez simplement dans la provocation. Vous n’êtes pas la seule dans le monde politique sur cette ligne libertaire, mais de par votre charisme vous êtes de loin la plus influente…

Pourquoi ?


Alors nous vous posons cette question : pourquoi cet acharnement à affaiblir ce qui nous est le plus précieux à tous, croyants ou non : la famille et la jeunesse ? Pourquoi ce double message catastrophique envoyé à la société française, déjà si fragile et si blessée ? N’avez-vous vraiment pas d’autres batailles à mener ? Cette question n’est pas que rhétorique, elle est profonde. Comme prêtres, nous sommes prêts à venir vous la poser et vous écouter, tant nous voudrions comprendre ce qui vous anime.

La « PMA pour toutes » n’est rien de moins que le droit à l’enfant institué en actes, et vous le savez certainement. Nous entendons bien le désir sincère de ces femmes qui vivent en couple et qui voudraient avoir un enfant. Mais ce désir ne peut être tout-puissant : il ne peut légitimer qu’on « fabrique » un enfant sans père ! Dans sa conception même, la place du père est gommée, son nom effacé, sans même qu’il ne soit remplacé par une autre figure masculine. Le manque de père, quelle qu’en soit la raison, est déjà une souffrance ; nous le voyons si souvent sur le terrain. L’instituer en amont est une profonde injustice pour l’enfant. La médecine est là pour soigner, pas pour répondre à tous les désirs.

Remarquez, vous êtes assez cohérente : nous avons toujours dit que le « mariage pour tous » que vous avez porté brillamment, ne pouvait qu’ouvrir un jour à la PMA puis à la GPA. C’est dans la logique… Les démentis prudents de votre gouvernement ne nous ont pas dupés. Vos propos nous donnent raison… mais nous n’avons pas perdu l’espoir de limiter les dégâts, en attendant qu’arrive le temps de reconstruire.

Ne vous trompez pas de bataille

Ce sont aussi les jeunes qui risquent de payer cher votre deuxième bataille, celle pour un débat sur la dépénalisation du cannabis…  Sur le terrain, dans les collèges et les lycées, nous observons suffisamment quels ravages peut faire cette saleté de drogue, entraînant tant de jeunes dans une spirale d’échecs, de mensonges, de décrochage scolaire. Nous sommes aussi témoins des efforts parfois héroïques que doivent faire ces jeunes pour s’en sortir et s’en libérer. Comment comprendre que des adultes – et qui plus est la ministre de la Justice, et des élus avec elle – puissent donner l’impression de relativiser ce danger ? Car au-delà de tous les arguments que vous pourrez produire pour ré-ouvrir le débat, vous ne pourrez éviter que l’idée même de dépénalisation signifie dans l’esprit des jeunes que « finalement le cannabis, c’est pas si grave … puisque ça n’est plus un délit ». Encore une fois, ce seront les plus fragiles, les plus jeunes et les plus pauvres qui subiront la casse, et non les quelques nostalgiques de 68, adeptes du pétard récréatif dans leur loft de Saint-Germain-des-Prés.

Madame, vous avez d’autres batailles à mener, pour lesquelles vous pourrez compter sur nous. Par exemple la lutte contre la GPA, que notre pays s’honorerait à mener au niveau mondial. Que faites-vous concrètement contre ces sociétés américaines qui viennent chercher leurs clients en France, que faites-vous surtout pour que la loi dissuade réellement ceux-ci ? Les femmes pauvres sont les premières victimes de cette marchandisation de la maternité. Nous voudrions vous soutenir également dans la bataille pour une justice rapide et accessible à tous, même aux plus fragiles, l’accompagnement des victimes, la réinsertion des prisonniers à l’issue de leur peine, la lutte contre la récidive, l’indépendance de la justice… Autant de thèmes parmi beaucoup d’autres sur lesquels nous vous attendons pour le bien de notre pays.

Ces vraies batailles vous attendent. Il faut cesser d’abîmer le peu qu’il reste de ces repères essentiels qui nous construisent et participent au bien d’un pays. Cette vague libertaire à laquelle vous avez associé votre talent et votre énergie, nous ne voulons pas la voir dévaster notre civilisation.

Cette civilisation, nous y tenons. Et ce tsunami libéral-libertaire qui veut la submerger, rasant ses fondations, ses repères et ses institutions, pour imposer le désir individuel comme norme ultime et rejeter toute idée de vérité et de bien commun, nous nous y opposerons encore et encore. Car les premières victimes de ce tsunami seront toujours les plus fragiles…

Merci !

Permettez-nous par ailleurs de vous remercier, Madame. Cela peut sembler paradoxal ! Mais malgré vous, vous avez participé à réveiller la génération qui vient. Nous sommes ceux que 68 a laissés orphelins, ceux à qui on a volé l’héritage du passé, ceux à qui on a refusé de transmettre. Voilà que cette vague libertaire, à laquelle avec beaucoup d’autres vous participez, nous a forcés à nous lever. Il fallait résister et pour cela s’engager. Une vraie prise de conscience s’est opérée. Et si demain toute une jeunesse se sera engagée, ce sera en partie pour rebâtir ce que vous aurez participé avec tant de soin à déconstruire…

Nous vous redisons le profond respect que nous avons pour votre fonction si importante – et aussi pour vous-même – car on ne réduit heureusement jamais quelqu’un à ses actes ou ses idées. On combat des idées, et nous le ferons de toutes nos forces, mais jamais les personnes : nous serons même toujours prêts à la rencontre, au dialogue franc et direct. Nous vous assurons aussi de notre prière. Les chrétiens ont toujours prié pour ceux qui les gouvernaient. Ils ont toujours voulu se comporter en « citoyens exemplaires » comme le leur demandait déjà saint Pierre, le premier pape. Cela ne les a jamais empêchés de s’élever avec force et persévérance contre toutes les injustices, « pour rendre témoignage à la Vérité », même si le prix à payer fut souvent lourd… Les générations d’aujourd’hui y sont prêtes. Plus que jamais.

Pour les prêtres du Padreblog,

Abbé Pierre-Hervé Grosjean +

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