mercredi 17 juin 2015

GPA: LE CORP SOMME LA COUR DE CASSATION A PRENDRE LA BONNE DECISION !

Par Edouard in Le Figaro.fr

GPA : non, la personne n'est pas un objet de commerce!

Tribune de Joseph Brussan
 Spécialisé en droit et bioéthique, Joseph Brussan est magistrat. Il est membre du collectif CoRP. Le Collectif pour le Respect de la Personne (CoRP) est un collectif indépendant qui réunit chercheurs, universitaires et philosophes pour la promotion des droits de la personne humaine. Il compte parmi ses membres fondateurs Eliette Abécassis, Sylviane Agacinski, Marie Balmary, Marie-Josèphe Bonnet, Pierre Courbin, Alice Ferney, Marie-Anne Frison-Roche, Ana-Luana Deram, Marie Jauffret, Béatrice Joyeux-Prunel, Maylis Le Pomellec, Marie-Laure Massei, Manuel Maidenberg et Monette Vacquin.


Le 19 juin, la Cour de Cassation devra se prononcer sur la transcription d'actes d'états civils d'enfants issus de GPA à l'étranger. Le Collectif pour le Respect de la Personne appelle les juges à ne pas instrumentaliser des droits qu'ils sont censés protéger.
 
Depuis un an, le recours aux mères porteuses, appelé par euphémisme «gestation pour autrui» (GPA) ne cesse de faire la une de l'actualité judiciaire.
 
En janvier 2014, elle a condamné l'Italie pour le placement d'un enfant que ses commanditaires avaient fait fabriquer en Russie sans même qu'il existe un lien biologique ni avec l'un ni avec l'autre. Autant valider le trafic d'enfants.

En juin 2014 (arrêt Mennesson), la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a condamné la France pour n'avoir pas respecté le droit à l'identité des enfants, dont ferait partie la reconnaissance du lien de filiation avec leur père biologique, sans préciser si ce droit devrait être garanti par la transcription des actes d'état civil étrangers ou d'une autre manière. En janvier 2014, elle a condamné l'Italie pour le placement d'un enfant que ses commanditaires avaient fait fabriquer en Russie sans même qu'il existe un lien biologique ni avec l'un ni avec l'autre. Autant valider le trafic d'enfants. L'Italie a obtenu le renvoi en Grande Chambre, la formation solennelle de la Cour. La CEDH est actuellement saisie de trois nouvelles affaires de GPA qui posent cette fois précisément la question de la transcription. Le sujet n'est donc pas clos.


Le 15 mai dernier, le TGI de Nantes a ordonné la transcription intégrale d'actes d'état civil américains, indiens et ukrainiens issus de GPA. Le 19 juin, c'est au tour de la Cour de cassation de se prononcer à nouveau.

Tout le monde est d'accord pour garantir les droits de l'enfant, qui ne sont pas responsables des conditions de leur naissance. Reste à savoir comment. Rappelons que les enfants ne sont ni «sans papiers» ni des «petits fantômes de la République»: ils ont des actes de naissance étrangers qui sont pris en compte dans la vie quotidienne. Aucun problème d'autorité parentale, d'accès à la sécurité sociale, etc. La question de la nationalité a été réglée en pratique par la circulaire Taubira. Elle aurait pu l'être autrement, le code civil permettant de donner la nationalité à tout enfant élevé depuis 5 ans par des Français. Si les enfants ont besoin d'une protection supplémentaire, cela peut être fait par des mesures spécifiques décidées démocratiquement par le législateur. C'est cela, la démocratie.

    Rappelons que les enfants ne sont ni «sans papiers» ni des «petits fantômes de la République»: ils ont des actes de naissance étrangers qui sont pris en compte dans la vie quotidienne.

La transcription, cela va beaucoup plus loin: c'est la transformation en un acte de droit français d'un acte étranger qui résulte d'un processus de maternité de substitution contraire à l'ordre public. Ce que savent très bien ceux qui y recourent et viennent ensuite s'indigner devant les tribunaux et ceux qui les conseillent. Transcrire, c'est dire: faites ce que vous voulez hors de France, vous aurez la bénédiction des autorités au retour. Après quoi, l'interdiction ne tiendra pas longtemps en France. Au demeurant, cela témoigne d'une parfaite indifférence au sort des femmes exploitées à l'étranger, indigne d'une Europe qui promeut partout les droits de l'Homme.

Les juges ont donc une énorme responsabilité dans cette affaire. Ils ne peuvent faire l'économie d'une réflexion sur ce qui est en jeu dans la GPA et sur les conséquences de leurs décisions non seulement en France mais dans toute l'Europe. Il ne suffit pas de prendre des décisions pour s'en laver les mains. Cette réflexion n'a nullement été menée jusqu'à présent par la CEDH, qui s'est bornée à concéder du bout des lèvres le droit de la France à interdire la GPA sur son sol au nom d'un «choix éthique du législateur».

    Transcrire, c'est dire: faites ce que vous voulez hors de France, vous aurez la bénédiction des autorités au retour.

Or la GPA n'est jamais que la résurgence high tech et libérale d'une coutume mésopotamienne abolie depuis des millénaires qui autorisait l'épouse infertile à s'approprier l'utérus de sa servante pour assurer une descendance au mari. Elle est en elle-même une atteinte aux droits humains, contraire aux conventions internationales de protection des droits de l'homme, notamment celles qui interdisent la vente d'enfant et la traite des êtres humains.

Il est effarant que la CEDH ne dise pas un mot de la mère porteuse, «effacée» de ses arrêts comme elle l'est des actes d'état civil dont on réclame la transcription. Qu'elle ose reprocher à l'État un prétendu problème «d'identité» des enfants du fait d'une absence d'inscription de leur filiation biologique paternelle en ignorant l'autre versant de cette identité, la filiation entre l'enfant et la mère qui l'a porté et mis au monde. Qu'elle ne se pose pas même la question de la possibilité pour la mère porteuse de faire valoir si elle le souhaite dans l'avenir son statut de mère, et pour l'enfant de rétablir la vérité.

Ce sont les commanditaires qui créent la confusion pour l'enfant par la création d'une filiation tronquée ou mensongère et portent atteinte à son intérêt en le soumettant à un abandon programmé et tarifé. Osera-t-on montrer à l'enfant le contrat qui a prévu dans ses moindres détails sa fabrication et le prix qu'il a coûté?

Ce à quoi nous assistons est la transformation de la personne (femme, enfant) en objet de commerce, dans le cadre d'un marché qui «pèse» déjà plusieurs milliards d'euros. C'est la négation de l'humanisme sur lequel est fondée notre civilisation.
   
Ce à quoi nous assistons est la transformation de la personne (femme, enfant) en objet de commerce, dans le cadre d'un marché qui «pèse» déjà plusieurs milliards d'euros. C'est la négation de l'humanisme sur lequel est fondée notre civilisation.

Il est dramatique que la Convention européenne des droits de l'Homme, conçue après la seconde guerre mondiale comme un rempart contre la barbarie, soit aujourd'hui utilisée pour avaliser ces nouvelles formes de prise de possession d'autrui par les plus forts. Que les juges, par paresse, lâcheté ou hypocrisie, se laissent prendre à une telle instrumentalisation des droits qu'ils sont censés protéger.

Depuis un an, une décision de 7 juges insuffisamment réfléchie prend en otage les 820 millions de citoyens européens et les États qui refusent de s'insérer dans le marché international des corps et des personnes. Puisse la CEDH saisir l'occasion de se rattraper et prendre enfin, en pleine conscience et connaissance de cause, ses responsabilités.

Puissent les juges, nationaux et européens, choisir de ne pas rester dans l'Histoire comme ceux qui auront mis à bas des règles établies démocratiquement pour garantir la distinction fondamentale entre les personnes et les choses, ouvrant ainsi la porte au déferlement d'un marché qui ne respecte plus rien, pas même l'humain.

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