mercredi 17 juin 2015

ALAIN JUPPE REAGIT CONTRE LA GPA

Par Edouard in Le Salon Beige

La justice française face au piège de la gestation pour autrui (GPA)


Le 19 juin prochain, l’assemblée plénière de la Cour de cassation sera confrontée aux effets de la gestation pour autrui (GPA). Elle se posera la question de savoir si la France doit ou non transcrire sur les registres d’état civil français l’acte de naissance des enfants nés de mères porteuses à l’étranger.

La transcription de l’acte d’état civil établirait en France un lien de filiation entre l’enfant et ceux qui l’ont ainsi obtenu. Si cette transcription continue d’être refusée, l’enfant bénéficiera de l’état civil établi dans le pays dans lequel il est né.

Derrière le vocabulaire juridique, la question de principe posée est celle de la reconnaissance des GPA réalisées à l’étranger par des Français. Ainsi un enfant né d’une mère porteuse aux États-Unis est regardé, par le droit américain, comme l’enfant du couple de français qui a souhaité et payé la GPA. Si son acte de naissance était transcrit dans l’état civil français, l’enfant deviendrait alors automatiquement rattaché par un lien de filiation aux adultes qui ont souhaité sa naissance, comme si la femme qui l’a porté n’avait pas d’existence.

La France peut-elle fermer les yeux lorsque des Français ont recours à l’étranger à une mère porteuse, alors que c’est interdit en France ?


Jusqu’à présent, la jurisprudence de la Cour de cassation (*) était très claire : en application de la loi française qui interdit la GPA, la justice refusait la transcription des actes de naissance. Même si quelques couples français ont eu recours à la GPA à l’étranger, rien ne permet de transiger avec des principes aussi fondamentaux que l’indisponibilité du corps de la femme, la prohibition de la marchandisation du corps humain et le respect de la dignité humaine.

Mais tout a changé il y a un an : la Cour européenne des droits de l’homme, dans son arrêt du 26 juin 2014, Mennesson c/ France, a en effet exigé de la France qu’elle modifie son droit et qu’elle reconnaisse la filiation d’un enfant issu d’une GPA à l’étranger, au nom de « l’intérêt supérieur de l’enfant », même si cela méconnaît directement le droit national. Le gouvernement français aurait pu faire appel de cette décision. Il a choisi de ne rien faire. Je le regrette très vivement.

Car la décision de la CEDH est une atteinte directe à l’équilibre que nous avions trouvé dans notre droit national entre l’interdiction de principe de la GPA et la nécessité de protéger juridiquement les enfants nés de GPA à l’étranger. Mais l’étape que la CEDH impose à la France de franchir est d’une autre nature : elle est une invitation à la transgression et un encouragement à la fraude.

La question revient aujourd’hui devant la Cour de cassation. Celle-ci va-t-elle réaffirmer sa jurisprudence ou va-t-elle se ranger à la décision rendue par la CEDH ?

Il appartient à la Cour de cassation de rendre un arrêt de principe, réaffirmant l’interdiction fondamentale de la GPA. Les mères ne sont pas des « couveuses » sur le marché de l’enfant, et ce dernier n’est pas à vendre. L’enfant n’est pas une chose qui se vend ou s‘achète. Au seul motif du « désir d’enfant », le droit français ne saurait admettre, voire organiser un nouveau marché des « liens de filiation ».

Le droit a pour fonction d’empêcher que les êtres humains en situation de faiblesse ne soient la proie des rapports de force. Accepter la décision de la CEDH reviendrait à « légaliser » de fait la GPA. Ce serait une rupture anthropologique que je n’accepte pas.

Si les tribunaux ne viennent pas garantir la dignité humaine, je proposerai alors que le Législateur dont c’est la responsabilité prenne les dispositions qui le permettront.

* 2 Arrêts de la Première chambre civile, 13 septembre 2013.

Alain Juppé

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