mercredi 24 juillet 2013

LETTRE A FRANÇOIS HOLLANDE

Monsieur le Président de la République,

Si je prends la plume pour vous écrire aujourd’hui, c’est avant tout pour vous faire part de mes sincères remerciements – je m’explique. Vous connaissez les actions de contestation au mariage gay qui rythment la vie politique française depuis près de neuf mois. Je serai brève, alors que vous essayez de faire taire les opposants par diverses méthodes (diminution des chiffres, ridiculisation, accélération du processus législatif, répression policière) un mouvement va émerger, naître de votre mépris. Ce mouvement est celui des Veilleurs. Vous n’avez pu manquer de le remarquer – leurs bougies, signe d’espérance, veulent vous illuminer jour et nuit.

Créés il y a bientôt trois mois, ils sont présents dans plus de deux cents villes en France et à travers le monde. La presse s’en est peu à peu fait le relais ; le Conseil de l’Europe les a accueillis le 26 juin dernier avant de prononcer une condamnation contre la répression et les violences policières commises dans notre belle patrie sous votre régime. Ces veilleurs se sont assis et ont pensé. Ils ont choisi, outre la non-violence, de réveiller les consciences endormies d’un peuple en lui rappelant sa culture. Partout en France, des personnes se rassemblent et veillent sur le sens de l’Homme, sa dignité et sa liberté, ils veulent redonner goût à la formation intellectuelle et raviver le sens de l’engagement dans la vie de la Cité, au sens grec de polis. Par votre proposition de loi injuste qui confond les désirs et les droits, vous avez concouru à l’éveil d’un peuple, celui que vous gouvernez. Et c’est le premier motif pour lequel je vous gratifie.

J’arrive à mon but : j’ai passé une quinzaine de soirées aux Veilleurs et, comme beaucoup d’autres, me suis par là-même éveillée. J’ai découvert l’architecture magnifique des places parisiennes, j’ai marché à travers les anciennes ruelles, j’ai écouté des chants, des chorales, des concerti. Merci d’avoir contribué à mon émerveillement et ma culture. Mais, les Veilleurs sont aussi un rassemblement de personnes qui veulent lutter contre la démission de la pensée, épidémie qui frappe notre société, et qui relisent les grands auteurs (Saint-Exupéry, Ionesco), les grands penseurs (Tocqueville, Camus, Dostoïevski). Ils souhaitent par-là réapprendre à penser, redécouvrir l’amour de la sagesse. Chaque soir, nous explorons différents concepts comme celui de droit naturel, d’objection de conscience ; des philosophes prennent la parole et lient des thèmes comme le langage, la justice, l’histoire et la mémoire, la non-violence. En deux mois, j’ai, grâce à vous et au mouvement dont vous avez involontairement participé à la fondation, révisé l’intégralité du programme de philosophie avec un approfondissement spécial en philosophie politique.

Le jour du bac, j’ai choisi le sujet très inspirant qu’est : « Que devons-nous à l’Etat ? ». J’ai parlé d’une réciprocité entre les devoirs du citoyen et ceux de l’Etat, de la notion de devoir effacée au profit de celle de droit ; j’ai évoqué la conscience de l’Homme au-dessus de la loi, fut-elle « loi de la République » et votée démocratiquement. J’ai parlé de la participation indispensable de chaque citoyen à la vie de la Cité car « un homme ne se mêlant pas de politique mérite de passer, non pour un citoyen paisible, mais pour un citoyen inutile » comme le dit Thucydide. M’inspirant des Veilleurs, j’ai conclu sur les trois stades du bien commun que l’Etat doit assurer pour maintenir la cohésion de la Nation.

J’ai eu 20. Grâce à votre entêtement pour faire passer une loi léonine, grâce à votre lâche soumission à la pression d’une minorité, j’ai eu 20. Et je vous remercie mille fois et de tout cœur. Vous pouvez bien sûr transmettre ces remerciements à Madame Taubira, Monsieur Ayrault, Madame Vallaud-Belkacem, Madame Bertinotti et Monsieur Valls. J’hésite à  ajouter Monsieur Peillon qui a, comme les autres et malgré lui, mis sa pierre à l’édifice des Veilleurs, mais qui fait preuve par ailleurs d’une incompétence et d’un acharnement tels dans la mise en œuvre de « ce-dont-le-nom-n’existe-pas », sous-entendu théorie du genre, que je ne peux le remercier en conscience. Vous aviez eu 13, la normalité avant l’heure, ceci explique cela. Monsieur Peillon avait eu 12, se justifiant par ces 16 ans, certes, mais il me faut rappeler qu’ « aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années ». Preuve que Monsieur Peillon n’a rien de commun avec le Cid.

Je crois vous avoir assez remercié pour la philosophie. Pour le reste, je ne me sens pas le besoin de vous en attribuer le mérite. Ce n’est certainement pas vous qui auriez pu m’aider à décrocher le bac d’histoire-géographie, vous qui confondez japonais et chinois, Egypte et Tunisie. Encore moins celui d’économie alors que vous n’arrivez pas à arrêter la croissance de la courbe du chômage. Quant à celui de mathématiques, ce n’est pas en confondant les 3% de déficit public accordés par la règle d’or avec les 4,8% de 2012 que j’aurais obtenu une bonne note.

Je me sens bien plus redevable aux Veilleurs et aux nombreux intervenants (philosophe, avocat, historien, artiste) d’abord pour les nombreuses explications philosophiques sur la société et l’Etat, puis pour l’amour de l’histoire et de notre pays qu’ils propagent et enfin pour m’avoir donné l’envie de me former afin de disposer des moyens d’agir. Pour ce, je conseille vivement à tous ceux qui passent les rattrapages d’aller aux Veilleurs dans la ville la plus proche de chez eux et vite ! Et j’étends ce conseil à ceux qui passeront le bac l’année prochaine, allez-y dès maintenant et tout au long de l’année. Bien sûr ceux qui comptent poursuivre leurs études dans la philosophie, les lettres ou l’Histoire ou veulent simplement acquérir le désir de se former sont les bienvenus.

Veuillez agréer en l’expression de mes sentiments,

Vinciane
Une jeune bachelière de seize ans.

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